Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/117

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dans notre pays, l’administration. On dit que le Français est léger, rieur, badin ; c’est faux. Le Français est employé. L’administration mène à tout. Elle vous fera faire un beau mariage ou vous donnera la rédaction en chef d’un grand journal. Soyez fier d’être employé, vous êtes un des deux cent mille souverains de la France. Il peut y avoir une royauté, une république ou un empire ; en réalité c’est le bureau qui règne.

— Il a lu M. de Cormenin, pensa Caldas.

— Maintenant, continua Cassegrain, reste à savoir pourquoi les administrations qui gouvernent semblent inférieures à l’armée qui nous obéit en définitive. Vous ne vous en doutez pas, vous êtes trop jeune. Eh bien, je vais vous le dire. Tout gît dans l’uniforme. Il nous faut un uniforme.

— Oh ! fit Caldas, qui se voyait par la pensée revêtu de l’habit vert des académiciens ou du pantalon gris-souris des eaux et forêts.

— Je dis qu’il nous faut l’uniforme, et je le prouve, reprit Cassegrain, sans tenir compte de l’interruption. Qu’est-ce qu’un employé ? Un soldat, mais un soldat incomplet, puisque rien ne le distingue du bourgeois. Complétez-le. Donnez-lui un képi, un bonnet à poil, un casque, quelque chose enfin, et vous doublez sa valeur et son importance. Tenez, moi qui vous parle, j’ai pro-