Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/154

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Ce petit alinéa épouvanta Romain.

— Évidemment, se dit-il, je suis dans la période critique. Le malaise général que j’éprouve, je l’attribuais à l’ennui. Je m’abusais : c’est que je ne m’acclimate pas.

Il se regarda dans la glace, se tira la langue à lui-même et se tâta le pouls.

— Certainement, dit-il, je n’irai pas trois mois.

Alors il se prouva qu’il était prudent, puisqu’il avait la faiblesse de tenir à la vie, de renoncer à la carrière administrative. Il y perdrait cent francs par mois, c’est vrai ; mais que n’y gagnerait-il pas en revanche ?

D’abord il ne s’ennuierait plus abominablement, comme il le faisait depuis son entrée au ministère.

Il pourrait être seul quelquefois, et ne serait plus condamné à cette éternelle cohabitation qui devient insupportable à la longue et fait trouver haïssables les gens que nous sommes le plus disposés à aimer.

N’a-t-on pas entendu dire que des marins, partis les meilleurs amis du monde, en arrivaient, après six mois de navigation, à échanger des coups de couteau.

Or, Romain était las de naviguer sur le même bord