Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/188

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— Donner votre démission tout de suite, dit M. Bizos.

— Rester, travailler, et attendre, dit M. Sangdemoy.

— Pourquoi ? demanda Caldas.

— Nous y voici, reprit M. Bizos. L’administration est une impasse, il faut en sortir ; aujourd’hui vous le pouvez, demain il sera trop tard. En trois mois la vie de bureau use l’énergie. On s’habitue à tout, même à recevoir tous les matins une volée de coups de bâton. Vous prendrez l’habitude de vous ennuyer. Regardez-moi, je vieillis ici d’un an tous les jours, et je n’ai pas le courage de m’en aller. Il faudra un événement pour me décider à donner ma démission. La porte vous est encore ouverte : sortez par la porte, et n’attendez pas d’être obligé de sauter par la fenêtre.

— À mon tour, dit Sangdemoy. Il faut rester, parce qu’ailleurs vous seriez sans doute plus mal qu’ici. Il vaut mieux tenir que courir. Vous gagnez peu, mais c’est sûr. Il faut travailler, parce que le travail est l’artisan du succès et qu’on ne s’ennuie jamais quand on travaille. Il faut attendre, parce que l’administration ne peut manquer de vous récompenser et que chaque heure qui s’écoule vous donne un droit de plus à ses faveurs. L’homme intelligent et actif peut compter sur elle ; l’avancement est pour lui seul en définitive, et si l’on vous dit qu’elle voit du même œil le fainéant et le