Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/232

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cher ami, c’est la plaie de l’Administration. C’est lui qui dénature toutes les intentions et fait des absurdités des choses les plus raisonnables. Connaissez-vous l’histoire des chapeaux gris ?

— Est-elle dans Aristote ? demanda Caldas.

— Ah ! très joli ! fit Saint-Adolphe ; non, c’est une histoire presque contemporaine. Je vais vous la conter. Mais tirez donc le verrou, qu’on ne vienne pas nous interrompre.

Caldas obéit.

— Vous devez savoir, reprit M. Deslauriers, que pendant l’été de 1829, les adversaires de la Restauration (elle en avait beaucoup) s’avisèrent de porter des chapeaux de feutre gris. C’était, vous comprenez, un signe de ralliement, une cocarde. Tous ces mécontents faisaient ainsi de l’opposition et étaient bien aises de vexer le gouvernement sans danger. Ils pouvaient de la sorte se compter, et le gouvernement de Charles X n’avait rien à dire, car, en bonne politique, on ne peut arrêter un homme parce qu’il porte un chapeau de feutre gris.

— Mais le zèle ? demanda Caldas.

— Nous y voici. Le ministre de l’Équilibre, qui était à cette époque M. le comte de… ma foi, je ne me rap-