Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/93

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agissent ; s’ils font un effort, le succès les récompense ou l’espoir les console du revers ; pour nous, rien, ni lutte, ni espoir ; le même résultat attend le travailleur et le paresseux. On confond la nullité et le mérite ; où est le juge ? Quoi que vous fassiez, votre sort est écrit. La vie du bureaucrate est un programme tracé à l’avance. Nous le connaissons, et l’on appelle cela avoir son existence assurée ! C’est cependant cette assurance contre les risques de la vie qui détruit l’homme chez l’employé, qui lui ôte, pièce à pièce, l’individualité, l’énergie, parfois l’intelligence. L’homme libre vit, l’employé végète. Et c’est pour cela que je vous répète : Réagissez contre l’administration !

— Mais qu’appelez-vous réagir ? demanda Caldas.

— Agir en sens inverse de votre abrutissement.

— Que faire ?

— Peu m’importe ce que vous fassiez ; prenez du plaisir ou de la peine, marchez, parlez, lisez, faites de la gymnastique, dansez, mais ne vous écartez pas de ce principe : ne jamais voir en dehors du bureau les gens à la société desquels le bureau vous condamne. N’imitez pas ces malheureux qui, au sortir de leurs cabanons empestés, vont s’enfermer avec leurs compagnons de chaîne dans un café plus étouffant encore. Fréquentez plutôt des scélérats que des camarades.