Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/104

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La colère rendait Gévrol plus rouge qu’un homard.

— L’auteur, répondit-il, est un de mes agents que voici, un fort et adroit, monsieur Lecoq !… Allons, malin, approche qu’on te voie…

Le jeune policier s’avança, les lèvres contractées par ce sourire de satisfaction qu’on appelle familièrement « la bouche en cœur. »

— Mon rapport n’est qu’un sommaire, monsieur, commença-t-il, mais j’ai certaines idées…

— Vous me les direz si je vous interroge, interrompit le juge.

Et sans se soucier du désappointement de Lecoq, il prit dans le portefeuille de son greffier deux imprimés qu’il remplit et qu’il tendit à Gévrol, en disant :

— Voici deux mandats de dépôt… faites prendre, au poste où ils sont consignés, l’inculpé et la maîtresse de ce cabaret, et qu’on les conduise à la Préfecture, où on les tiendra au secret.

Cet ordre donné, M. d’Escorval se retournait déjà vers les médecins, quand le jeune policier, au risque d’une rebuffade nouvelle, intervint.

— Oserais-je, demanda-t-il, prier monsieur le juge de me confier cette mission ?

— Impossible, je puis avoir besoin de vous ici.

— C’est que, monsieur, j’aurais aimé pour recueillir certains indices, une occasion qui ne se représentera pas…

Le juge d’instruction comprit peut-être les intentions du jeune agent.

— Soit donc, répondit-il, mais en ce cas vous m’atten-