Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/118

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— Voici vos cent trente-six francs huit sous, dit-il, et de plus votre couteau, votre mouchoir de poche et quatre cigares…

Le plus vif contentement se peignit sur les traits du prévenu.

— Maintenant, reprit le greffier, voulez-vous répondre ?

Mais le directeur avait compris l’inutilité de l’insistance, il fit signe au greffier de se taire, et s’adressant à l’homme :

— Retirez vos chaussures, commanda-t-il.

À cet ordre, Lecoq crut voir vaciller le regard du meurtrier. Était-ce une illusion ?

— Pourquoi faire ? demanda-t-il.

— Pour passer sous la toise, répondit le greffier ; il faut que j’inscrive votre taille.

Le prévenu ne répondit pas, il s’assit et retira ses bottes de gros cuir, dont l’une, celle de droite, avait le talon complètement tourné en dedans. Il avait les pieds nus dans ses bottes grossières.

— Vous ne mettez donc des chaussures que le dimanche ?… lui demanda Lecoq.

— À quoi voyez-vous cela ?

— Parbleu !… à la boue dont vos pieds sont couverts jusqu’à la cheville.

— Et après !… fit l’homme du ton le plus insolent. Est-ce un crime de n’avoir pas les pieds comme une marquise ?…

— Ce ne serait pas votre crime, en tout cas, dit lentement le jeune policier. Pensez-vous que je ne vois pas, en dépit de la boue, combien vos pieds sont blancs et nets ?… Les ongles sont soignés et passés à la lime…