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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/119

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Il s’interrompit. Un éclair de son génie investigateur traversait son esprit.

Il avança vivement une chaise, étendit dessus un journal et dit au meurtrier :

— Veuillez poser vos pieds là !…

L’homme essaya de faire des façons.

— Ah !… ne résistez pas, insista le directeur, nous sommes en force.

Le prévenu se résigna. Il se plaça comme on le lui avait ordonné, et Lecoq s’armant d’un canif se mit à détacher adroitement les fragments de boue qui adhéraient à la peau.

Partout ailleurs qu’au greffe du Dépôt, on eût sans doute ri de la besogne entreprise par Lecoq ; besogne mystérieuse, étrange et grotesque tout à la fois.

Mais dans cette antichambre de la Cour d’assises, les actes les plus futiles revêtent une teinte lugubre, le rire se glace aisément sur les lèvres, et on ne s’étonne de rien.

Tous les assistants, d’ailleurs, depuis le directeur jusqu’au dernier des gardiens, en avaient bien vu d’autres. Même il ne vint à personne l’idée de demander au jeune policier à quelle inspiration il obéissait.

Ce qui était clair, ce qui était acquis, c’est que le prévenu allait disputer à la justice son identité, qu’il fallait à tout prix la constater, et que probablement Lecoq avait imaginé un moyen d’atteindre ce but.

Il eut, du reste, promptement terminé, et recueilli sur le journal plein le creux de la main d’une poussière noirâtre.

Cette poussière, il la divisa en deux parts. Il en enve-