Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/128

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La statistique des prisons est là, pour démontrer que les « malfaiteurs d’habitude » — c’est l’expression — ne se suicident pas.

Arrêtés chauds du crime, les uns sont pris d’une exaltation folle et ont des attaques de nerfs, les autres tombent dans une torpeur stupide, pareille à celle de la bête repue qui s’endort, les babines pleines de sang.

Mais aucun n’a l’idée d’attenter à ses jours. Ils « tiennent à leur peau, » si compromise qu’elle soit, ils sont lâches, ils sont douillets. L’abject Poulman, pendant sa détention, ne put jamais se résoudre à se laisser arracher une dent, dont il souffrait tant qu’il en pleurait.

D’un autre côté, le malheureux qui dans un moment d’égarement commet un crime, cherche presque toujours à échapper par une mort volontaire aux conséquences de son acte.

Donc, la tentative avortée du prévenu était une forte présomption en faveur du système de Lecoq.

— Il faut, se disait-il, que le secret de cet infortuné soit terrible, puisqu’il y tient plus qu’à la vie, puisqu’il a essayé de s’étrangler pour l’emporter intact dans la tombe.

Il s’interrompit, quatre heures sonnaient.

Lestement il sauta à bas de son lit, où il s’était jeté tout habillé, et cinq minutes plus tard, il descendait la rue Montmartre, où il logeait déjà à cette époque, mais dans un hôtel garni.

Le temps était toujours détestable ; il brouillassait. Mais qu’importait au jeune policier !… Il marchait d’un