Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— À quoi bon nier, monsieur, puisque vous ne croyez rien de ce que j’affirme ? Vous traitiez tout à l’heure mon patron, M. Simpson, de personnage imaginaire, que dirai-je donc de ce prétendu complice ? Ah !… les agents qui l’ont inventé en font un bon garçon. Mécontent sans doute de leur avoir échappé une première fois, il vient se remettre entre leurs griffes. Ces messieurs prétendent qu’il s’est concerté avec moi et ensuite avec la cabaretière. Comment s’y est-il pris ?… Après cela, en le tirant du cabanon où j’étais, on l’a peut-être renfermé avec la vieille…

Goguet le greffier écrivait et admirait.

— Voilà, pensait-il, un gaillard qui a le fil, et qui n’aura pas besoin de la langue d’un avocat devant le jury.

— Enfin, continua l’homme, qu’y a-t-il contre moi ?… Un nom, Lacheneur, balbutié par un mourant, des empreintes sur la neige fondante, la déclaration d’un cocher, un soupçon vague au sujet d’un ivrogne. C’est tout ?… ce n’est guère.

— Assez ! interrompit M. Segmuller. Votre assurance est grande, maintenant, mais votre trouble tout à l’heure, était plus grand encore. Quelle en était la cause ?…

— La cause !… s’écria le meurtrier avec une sorte de rage, la cause ? Vous ne voyez donc pas, monsieur, que vous me torturez effroyablement, sans pitié, moi, innocent, qui vous dispute ma vie. Depuis tant d’heures que vous me tournez et me retournez, je suis comme sur la bascule de la guillotine, et à chaque mot que je prononce, je me demande si c’est celui-là qui va faire partir le res-