Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/222

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un léger brouillard, illuminé des lueurs rouges du gaz, se balançait comme un velum de pourpre au-dessus de Paris.

En bas, la rue était à l’apogée de son animation : les voitures circulaient plus rapides, les trottoirs devenaient trop étroits pour la foule bruyante qui, la journée finie, courait à ses plaisirs.

Ce spectacle arracha un soupir au jeune policier.

— Et c’est dans cette ville immense, murmura-t-il, au milieu de tout ce monde, que je prétends retrouver les traces d’un inconnu !… Est-ce possible ?…

Mais cette défaillance ne dura pas.

— Oui, c’est possible, lui criait une voix au-dedans de lui-même ; d’ailleurs, il le faut, c’est l’avenir ! Ce qu’on veut, on le peut.

Dix secondes après, il était dans la rue, plus que jamais enflammé de courage et d’espoir.

L’homme, malheureusement, n’a pour servir des désirs sans limites, que des organes fort bornés. Le jeune policier n’eut pas fait vingt pas qu’il reconnut que ses forces physiques trahissaient sa volonté : ses jambes fléchissaient, la tête lui tournait. La nature reprenait ses droits : depuis deux jours et deux nuits, il n’avait pas reposé une minute, et il n’avait rien pris de la journée.

— Vais-je donc me trouver mal ? pensa-t-il, réduit à s’asseoir sur un banc.

Et il se désolait, en récapitulant tout ce qu’il avait à faire dans la soirée.

Ne devait-il pas, pour ne parler que du plus pressé, s’informer des résultats de la chasse du père Absinthe,