Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/223

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rechercher si l’une des victimes avait été reconnue à la Morgue, vérifier dans les hôtels qui entourent la gare du Nord les assertions du prévenu, enfin se procurer l’adresse de la femme de Polyte Chupin pour lui remettre l’assignation ?…

Sous le fouet de l’impérieuse nécessité, il réussit à triompher de sa faiblesse, et il se dressa en murmurant :

— Je vais toujours passer rue de Jérusalem et à la Morgue, après je verrai.

Mais à la Préfecture il ne trouva pas le père Absinthe, et personne ne put lui en donner des nouvelles. Le bonhomme ne s’était pas montré.

Personne, non plus, ne put lui indiquer, même vaguement, la demeure de la bru de la veuve Chupin.

En revanche, il rencontra bon nombre de ses collègues, qui se moquèrent de lui outrageusement.

— Ah ! tu es un lapin !… lui disaient tous ceux qu’il abordait, il paraît que tu viens de faire une fameuse découverte !… on parle de toi pour la croix !…

L’influence de Gévrol se trahissait. L’ombrageux inspecteur, en effet, racontait à tout venant que ce pauvre Lecoq, fou d’ambition, s’obstinait à prendre pour un gros personnage déguisé un vulgaire repris de justice.

Bast !… ces quolibets ne touchaient guère le jeune policier. Rira bien qui rira le dernier, marmottait-il.

Si sa mine était inquiète pendant qu’il remontait le quai des Orfèvres, c’est qu’il ne s’expliquait pas l’absence prolongée du vieux Absinthe. Il se demandait encore si Gévrol, dans le délire de sa jalousie, ne serait pas bien