Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/224

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capable d’essayer d’embrouiller sous main tous les fils de l’affaire.

À la Morgue, il n’eut pas meilleure aventure. Après qu’il eut sonné trois ou quatre fois, le gardien qui vint lui ouvrir lui déclara que les cadavres restaient toujours inconnus et qu’on n’avait pas revu le vieil agent envoyé le matin.

— Décidément, pensa le jeune policier, je débute mal… Allons dîner, cela rompra la chance, et j’ai bien gagné la bouteille de bon vin que je veux m’offrir.

Ce fut une heureuse inspiration. Ce que c’est que de nous !… Un potage et deux verres de vin de bordeaux versèrent dans son sang une audace et une énergie nouvelles. S’il sentait encore sa lassitude, elle était tolérable, quand il sortit du restaurant, un cigare aux lèvres.

C’est à ce moment qu’il regretta la voiture et le bon cheval du père Papillon !… Un fiacre passait, par fortune, il le prit, et huit heures sonnaient quand il mit pied à terre sur la place de la gare du chemin de fer du Nord. Il s’arrêta d’abord, puis les investigations commencèrent.

Bien entendu, il ne se présentait pas dans les maisons sous son titre d’agent de la sûreté. C’eût été le moyen de ne rien savoir.

Rien qu’en se coiffant en arrière et en haussant son faux-col, il s’était donné un certain air exotique, et c’est avec un accent anglais assez prononcé qu’il demandait des nouvelles d’un ouvrier étranger.

Mais vainement il employait toute son adresse à questionner, partout on lui répondait la même chose :