Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/258

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En dernier lieu, il ordonna à l’huissier de voir si on ne trouverait pas Lecoq aux environs, dans quelque estaminet ; de le chercher et de le lui amener vite, bien vite.

L’huissier parti, M. Segmuller sembla reprendre son calme.

— Nous sommes là que nous perdons un temps précieux, dit-il à Goguet, je me décide à interroger le fils de la veuve Chupin… ce sera toujours cela de fait. Allez dire qu’on me l’amène, Lecoq a dû remettre l’ordre d’extraction…

Moins d’un quart d’heure après, Polyte faisait son entrée dans le cabinet du juge d’instruction.

C’était bien, de la tête aux pieds, de la casquette de toile cirée aux pantoufles de tapisserie à dessins voyants, c’était bien l’homme du portrait que la pauvre Toinon-la-Vertu enveloppait de ses regards passionnés.

Seulement, le portrait était flatté.

La photographie n’avait pu fixer l’expression de basse astuce de ce visage de coquin, l’impudence du sourire, la lâche férocité de l’œil fuyant. Elle n’avait pu rendre ni le teint flétri et plombé, ni le clignotement inquiétant des paupières, ni les lèvres minces, pincées sur des dents courtes et aiguës.

Du moins devait-il lui être difficile de surprendre son monde.

Le voir, c’était le juger à sa valeur.

Lorsqu’il eut répondu aux questions préliminaires, déclaré qu’il avait trente ans et qu’il était né à Paris, il prit une pose prétentieuse et attendit.

Mais avant d’aborder l’objet sérieux de l’interrogatoire,