Aller au contenu

Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

demandant : « Est-ce votre ouvrage ? » eût été un peu long.

Heureusement Lecoq avait sous la main un homme qui s’estimerait très-heureux de mettre son savoir à son service.

C’était un vieil Hollandais, nommé Van-Nunen, sans rival à Paris, dès qu’il s’agissait de joaillerie ou de bijouterie.

La Préfecture l’utilisait en qualité d’expert. Il passait pour riche et l’était bien plus qu’on ne le supposait. Si sa mise était toujours sordide, c’est qu’il avait une passion : il adorait les diamants. Il en avait toujours quelques-uns sur lui, dans une petite boîte qu’il tirait dix fois par heure, comme un priseur sort sa tabatière.

Le bonhomme reçut bien le jeune policier. Il chaussa ses besicles, examina le bijou avec une grimace de satisfaction, et d’un ton d’oracle dit :

— La pierre vaut huit mille francs, et la monture vient de chez Doisty, rue de la Paix.

Vingt minutes plus tard, Lecoq se présentait chez le célèbre bijoutier.

Van-Nunen ne s’était pas trompé. Doisty reconnut la boucle d’oreille, elle sortait bien de chez lui. Mais à qui l’avait-il vendue ? Il ne put se le rappeler, car il y avait bien trois ou quatre ans de cela.

— Seulement, attendez, ajouta-t-il, je vais appeler ma femme qui a une mémoire incomparable.

Mme Doisty méritait cet éloge. Il ne lui fallut qu’un coup d’œil pour affirmer qu’elle connaissait cette boucle et que la paire avait été vendue vingt mille francs à Mme la marquise d’Arlange.