Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/315

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vraisemblance. Nul n’est infaillible. En êtes-vous plus avancés ?…

— Mais oui, monsieur. Comme à cette heure on sait bien qui n’est pas le prévenu, au lieu de me plaisanter et de me gêner, on m’aidera peut-être à découvrir qui il est.

Le ton du jeune policier, son allusion à la mauvaise volonté qu’il avait rencontrée, blessèrent le directeur. Mais précisément parce qu’il sentait le sang lui monter aux oreilles, il résolut de briser cette discussion avec un inférieur.

— Vous avez raison, dit-il durement. Ce Mai doit être quelque grand et illustre personnage. Seulement, cher monsieur Lecoq, car il y a un seulement, faites-moi le plaisir de m’expliquer comment ce personnage si important a pu disparaître sans que la police en ait été avisée ?… Un homme considérable, tel que vous le supposez, a d’ordinaire une famille, des parents, des amis, des protégés, des relations très-étendues ; et de tout ce monde, personne n’aurait élevé la voix depuis plus de trois semaines que Mai est sous mes verroux !… Allons, avouez-le, monsieur l’agent, vous n’aviez pas réfléchi à cela.

Le directeur venait de rencontrer la seule objection sérieuse qu’on pût opposer au système de la prévention.

Mais Lecoq l’avait aperçue bien avant lui, et elle ne cessait de le préoccuper, et il s’était mis l’esprit à la torture sans y trouver une réponse satisfaisante.

Sans doute il allait s’emporter, comme toujours quand on se sent touché à un défaut de cuirasse, mais M. Segmuller intervint.