Aller au contenu

Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est vous qui l’avez dit, approuva Lecoq. Mais je n’ai pas fini. Si l’Empereur fut consterné de l’apparition des Prussiens, c’est que, de ce côté, précisément, il attendait un de ses généraux, Grouchy, avec 35,000 soldats. Donc, si l’allusion de l’homme est exacte et complète, il comptait non sur un ennemi, qui venait de tourner sa position, mais sur des amis… Concluez.

Fortement empoigné, sinon convaincu, le bonhomme écarquillait extraordinairement ses yeux, l’instant d’avant appesantis par le sommeil.

— Cristi !… murmura-t-il, tu nous contes cela d’un ton !… Mais, au fait, je me souviens, tu auras vu quelque chose par le trou du volet.

Le jeune policier remua négativement la tête.

— Sur mon honneur, déclara-t-il, je n’ai rien vu que la lutte entre le meurtrier et ce pauvre diable vêtu en soldat. La phrase seule a éveillé mon attention.

— Prodigieux !… répétait le vieil agent, incroyable, épatant !…

— J’ajouterai que la réflexion a confirmé mes soupçons. Je me suis demandé, par exemple, pourquoi cet homme, au lieu de fuir, nous avait attendus et restait là, sur cette porte, à parlementer….

D’un bond, le père Absinthe fut debout.

— Pourquoi ? interrompit-il. Parce qu’il a des complices et qu’il voulait leur laisser le temps de se sauver. Ah !… je comprends tout.

Un sourire de triomphe errait sur les lèvres de Lecoq.

— Voilà ce que je me suis dit, reprit-il. Et maintenant, il est aisé de vérifier nos soupçons. Il y a de la neige dehors, n’est-ce pas ?…