Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/332

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Décidément, monsieur l’agent, reprit-il, votre idée est bonne. Seulement, la Justice, vous le comprenez, ne saurait se mêler de telles intrigues. Tout ce que je puis promettre, c’est mon approbation tacite. Rendez-vous donc à la Préfecture, voyez vos supérieurs…

D’un geste vraiment désespéré, le jeune policier interrompit M. Segmuller.

— Proposer une telle chose, s’écria-t-il, moi !… Non-seulement on me la refuserait, mais on me signifierait mon congé, si toutefois je ne suis pas déjà rayé du service de la sûreté…

— Vous !… lorsque vous vous êtes si bien conduit dans cette affaire !…

— Hélas ! monsieur, tel n’est pas l’avis de tout le monde. Les langues ont marché depuis huit jours que vous êtes malade. Mes ennemis ont su tirer parti de la dernière comédie du Mai !… Ah !… oui, cet homme est habile. On dit à cette heure que c’est moi qui, dans un but d’avancement, ai imaginé tous les détails romanesques de cette affaire. On assure que seul j’ai soulevé cette question d’identité qui n’en est pas une. À entendre les gens du Dépôt, j’aurais inventé une scène qui n’a pas eu lieu chez la Chupin, supposé des complices, suborné des témoins, fabriqué de fausses pièces de conviction, enfin écrit le premier billet aussi bien que le second, dupé le père Absinthe, et mystifié le directeur.

— Diable !… fit M. Segmuller, que dit-on de moi, en ce cas ?…

Le rusé policier sut se donner la contenance la plus embarrassée.

— Dam !… monsieur, répondit-il, on prétend que