Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/361

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Fritz lui montra une porte vitrée.

— Dans le cabinet noir que voici, monsieur l’agent, répondit-il. En laissant la porte entre-bâillée, vous entendrez, et vous verrez tout par le carreau.

Sans un mot, Lecoq se jeta dans le cabinet, la sonnette du portillon de l’hôtel annonçait l’entrée d’un visiteur.

C’était Mai.

— Je désirerais parler à la maîtresse de l’hôtel, dit-il.

— À quelle maîtresse ?

— À la femme qui m’a reçu quand je suis descendu ici, il y a six semaines…

— J’y suis, interrompit Fritz, c’est Mme Milner que vous voudriez voir. Vous arrivez trop tard, ce n’est plus elle qui tient cette maison. Elle l’a vendue, le mois passé, après fortune faite, et elle est partie pour son pays, l’Alsace.

Le prévenu frappa du pied en lâchant un juron à faire frémir un charretier embourbé :

— J’ai cependant une réclamation à lui adresser, insista-t-il.

— Voulez-vous que j’appelle son successeur ?…

De son trou, le jeune policier ne pouvait s’empêcher d’admirer Fritz : il mentait impudemment avec cet air de candeur parfaite qui donne aux Allemands une si grande supériorité sur les gens du midi, lesquels, même quand ils disent la vérité, ont l’air de mentir.

— Eh !… le successeur m’enverra promener, s’écria Mai. Je venais réclamer des arrhes que j’ai données pour une chambre dont je ne me suis jamais servi !