Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/364

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— Je ne puis répondre ni oui ni non. Ils gesticulaient comme des enragés, à ce point que j’ai cru qu’ils se disputaient.

— Naturellement. Ils se savaient observés et tâchaient de dérouter les conjectures…

Le père Absinthe s’arrêta court, comme un cheval se cabre devant un obstacle : une idée lui venait.

— Si on arrêtait cette maîtresse d’hôtel, prononça-t-il, si on l’interrogeait ?…

— À quoi bon !… M. Segmuller ne l’a-t-il pas, à dix reprises, pressée, accablée de questions, sans en rien tirer. Ah ! c’est une fine mouche !… Cette fois, elle répondrait que Mai l’ayant rencontrée lui a réclamé ses dix francs d’arrhes.

Le jeune policier eut un geste résigné.

— Il faut en prendre notre parti, reprit-il. Si le complice n’est pas averti déjà, il ne tardera pas à l’être, et il faut nous attendre à l’avoir bientôt sur les bras. Quelle ruse imagineront pour nous échapper ces deux hommes si prodigieusement forts ? C’est ce que je ne puis deviner. Ce que je prévois, par exemple, c’est qu’ils n’inventeront rien de vulgaire !…

Ces présomptions de Lecoq firent frémir le père Absinthe.

— Bigre !… s’écria-t-il, le plus sûr serait peut-être de recoffrer ce gaillard-là.

— Jamais !… répondit le jeune policier, non jamais !… Je veux son secret, je l’aurai. Que serions-nous donc, si nous n’étions pas capables, à deux, de « filer » un homme ! Il ne disparaîtra pas, je pense, comme le diable des féeries. Nous allons bien voir ce qu’il fera, mainte-