Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/428

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rer des affaires devant l’animadversion générale, il laissa derrière lui des haines qui ne s’éteindront qu’avec sa vie…

Le bonhomme ferma le volume, et se grimant de fausse modestie :

— Eh bien !… demanda-t-il, que penses-tu, garçon, de ma petite méthode d’induction ?

Mais l’autre était trop préoccupé pour répondre.

— Je pense, objecta-t-il, que si le duc de Sairmeuse eût disparu deux mois, le temps de la prévention de Mai, tout Paris l’eût su, et ainsi…

— Tu rêves !… interrompit le père Tabaret. Avec sa femme et son valet de chambre pour complices, le duc s’absentera un an quand il le voudra, et tous ses domestiques le croiront à l’hôtel…

Le visage contracté du jeune policier disait l’effort de sa pensée.

— J’admets cela, prononça-t-il enfin, je me résigne à croire que ce grand seigneur a su jouer le rôle merveilleux de Mai… Malheureusement, il est une circonstance qui, seule, renverse tout l’échafaudage de nos suppositions…

— Et laquelle, s’il te plaît !…

— Si l’homme de la Poivrière eût été le duc de Sairmeuse, il se fût nommé… il eût expliqué comment, attaqué, il s’était défendu… et son nom seul lui eût ouvert les portes de la prison. Au lieu de cela, qu’a fait notre prévenu ?… Il a essayé de s’étrangler. Est-ce que jamais un grand seigneur tel que le duc de Sairmeuse, dont la vie doit être un enchantement perpétuel, eût songé au suicide !…