Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/100

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camps… Mais, Jarnibleu ! j’oubliais un détail : il flaire, m’a-t-on dit, l’influence du clergé, et il est devenu d’une haute piété.

Il s’interrompit, la voiture venait de s’arrêter dans la cour d’honneur de Courtomieu, et le marquis accourait de sa personne au-devant de ses hôtes. Distinction flatteuse qu’il ne prodiguait pas.

C’était bien l’homme du portrait.

Long plutôt que grand, solennel et remuant à la fois, M. de Courtomieu portait une lévite infinie et des souliers à boucle d’or. La tête qui surmontait cette immense charpente était remarquablement petite, — signe de race, — couronnée de rares cheveux plats et noirs, — il les teignait, — et éclairée par de gros yeux ronds et sans chaleur.

La morgue qui sied au gentilhomme et l’humilité qui convient au chrétien, se livraient, sur son visage, un perpétuel et bien plaisant combat.

Il serra tour à tour entre ses bras M. de Sairmeuse et Martial, non sans les combler de compliments débités d’une petite voix de tête, qui étonnait, venant de ce grand corps, autant que surprendraient des sons de flûte sortant des flancs d’un ophicléide.

— Enfin, vous voici… répétait-il ; nous vous attendions pour délibérer… c’est très-grave… très-délicat aussi. Il s’agit de rédiger une adresse à Sa Majesté. La noblesse, qui a tant souffert de la Révolution, attend de larges compensations… Enfin, tous nos amis des environs, au nombre de seize, sont réunis dans mon cabinet, transformé en chambre du conseil…

Martial frémit à l’idée de tout ce qu’il allait être obligé d’entendre de choses niaises et insipides, et la recommandation de son père lui revenant à propos :

— N’aurons-nous donc pas l’honneur, demanda-t-il, de présenter nos respects à Mlle de Courtomieu ?…

— Ma fille doit être dans le salon avec notre vieille cousine, répondit le marquis de Courtomieu d’un ton distrait… à moins qu’elles ne soient au jardin…