Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/101

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Cela pouvait signifier : « Allez-y, si bon vous semble ! » Martial le prit ainsi, et arrivé dans le vestibule, il laissa monter seuls son père et le marquis.

Un domestique lui ouvrit la porte du grand salon… mais il était vide.

— C’est bien, dit-il, je sais où est le jardin.

Mais c’est en vain qu’il le parcourut en tout sens, ce jardin : personne.

Il allait se décider à rentrer, et à marcher bravement à l’ennemi, quand, à travers le feuillage d’un berceau de jasmin, il crut distinguer comme une robe blanche.

Il s’avança doucement, et son cœur battit, quand il reconnut qu’il avait bien vu.

Mlle Blanche de Courtomieu était assise près d’une vieille dame, et elle lui lisait à demi-voix une lettre.

Il fallait qu’elle fût bien préoccupée, pour n’avoir pas entendu le sable crier sous les bottes de Martial.

Il était à dix pas d’elle, si près qu’il distinguait, par une éclaircie des jasmins, jusqu’à l’ombre de ses longs cils.

Il s’arrêta, retenant son haleine, s’abandonnant à une délicieuse extase.

— Ah !… elle est bien belle, pensait-il, elle aussi !…

Belle, non !… Mais jolie à ravir l’imagination. En elle, tout souriait au désir, ses grands yeux d’un bleu velouté et ses lèvres entr’ouvertes. Elle était blonde, mais de ce blond vivant et doré des pays du soleil ; et de son chignon tordu haut sur la nuque s’échappaient à profusion des boucles folles où la lumière, en se jouant, semblait allumer des étincelles.

Peut-être l’eût-on souhaitée un peu plus grande… Mais elle avait le charme pénétrant des femmes petites et mignonnes, mais sa taille avait des rondeurs exquises, ses mains aux doigts effilés étaient celles d’une enfant.

Hélas !… ces jolis dehors mentaient, autant et plus que les apparences du marquis de Courtomieu.

Cette jeune fille au regard candide avait la sécheresse d’âme d’un vieux courtisan. Elle avait été tant fêtée au