Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/103

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de soi le disputait au mépris des autres, son œil si clair se voila.

— Elles se connaissent !… pensa-t-il.

L’idée d’un rapprochement de ces deux femmes entre lesquelles hésitait sa passion le troublait extraordinairement, et éveillait en lui toutes sortes de pudeurs inconnues.

La main tournée, rien ne paraissait de son trouble, mais Mlle Blanche l’avait aperçu.

— Qu’est-ce que cela signifie ?… se dit-elle, toute inquiète.

Cependant, c’est avec le naturel parfait de l’innocence qu’elle poursuivit :

— Au fait, vous devez l’avoir vue, monsieur le marquis, cette pauvre Marie-Anne, puisque son père était le dépositaire de Sairmeuse ?

— Je l’ai vue, en effet, mademoiselle, répondit simplement Martial.

— N’est-ce pas, qu’elle est remarquablement belle, et d’une beauté tout étrange, et qui surprend ?

Un sot eût protesté. Le marquis de Sairmeuse ne commit pas cette faute.

— Oui, elle est très-belle, dit-il.

Cette soi-disant franchise déconcerta un peu Mlle Blanche, et c’est avec un air d’hypocrite compassion qu’elle ajouta :

— Pauvre fille !… que va-t-elle devenir ? Voici son père réduit à bêcher la terre.

— Oh !… vous exagérez, mademoiselle, mon père préservera toujours Lacheneur de la gêne.

— Soit… je comprends cela… mais cherchera-t-il aussi un mari pour Marie-Anne ?

— Elle en a un tout trouvé, mademoiselle… J’ai ouï dire qu’elle va épouser un garçon des environs qui a quelque bien, un certain Chanlouineau.

La naïve pensionnaire était plus forte que Martial. Elle le soumettait à un interrogatoire en règle, et il ne s’en apercevait pas. Elle éprouva un certain dépit en le