Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/104

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voyant si bien instruit de tout ce qui concernait Mlle Lacheneur.

— Et vous croyez, monsieur le marquis, dit-elle, que c’est là le parti qu’elle avait rêvé ?… Enfin !… Dieu veuille qu’elle soit heureuse ; nul plus que nous ne le souhaite, car nous l’aimons beaucoup, ici… oui, beaucoup. N’est-ce pas, tante Médie ?

Tante Médie, c’était la vieille demoiselle assise près de Mlle Blanche.

— Oui, beaucoup, répondit-elle.

Cette tante, cousine plutôt, était une parente pauvre que M. de Courtomieu avait recueillie, et à qui Mlle Blanche faisait payer chèrement son pain ; elle l’avait dressée à jouer le rôle d’écho.

— Ce qui me désole, reprit Mlle de Courtomieu, c’est que je vois brisées des relations qui m’étaient chères… Mais écoutez plutôt ce que Marie-Anne m’écrit.

Elle retira de sa ceinture, où elle l’avait passée, la lettre de Mlle Lacheneur, et lut :

« Ma chère Blanche,

« Vous savez le retour de M. le duc de Sairmeuse. Il nous a surpris comme un coup de foudre. Mon père et moi, nous étions trop accoutumés à regarder comme nôtre le dépôt remis à notre fidélité ; nous en avons été punis… Enfin, nous avons fait notre devoir, et à cette heure tout est consommé… Celle que vous appeliez votre amie n’est plus qu’une pauvre paysanne, comme sa mère… »

Le plus subtil observateur eût été pris à l’émotion de Mlle Blanche. On eût juré qu’elle avait mille peines à retenir ses larmes… peut-être même en tremblait-il quelqu’une entre ses longs cils.

La vérité est qu’elle ne songeait qu’à épier sur la figure de Martial quelque indice de ses sensations. Mais maintenant qu’il était en garde, il restait de marbre.

Elle continua :