Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/129

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prends la liberté de vous prier d’attendre ; je termine une affaire et je suis à vous à l’instant…

Il n’y avait dans son accent ni trouble ni colère, mais bien une respectueuse déférence et comme un sentiment profond de gratitude.

Ayant dit, il attira la porte à lui et se retourna vers M. d’Escorval.

Le baron, debout, les bras croisés, avait assisté à cette scène de l’air d’un homme qui doute du témoignage de ses sens ; et cependant il en comprenait la portée.

— Ainsi, dit-il à Lacheneur, ce jeune homme vient ici, chez vous ?…

— Presque tous les jours… non à cette heure, mais un peu plus tard.

— Et vous le recevez, vous l’accueillez !…

— De mon mieux, oui, monsieur le baron. Comment ne serais-je pas sensible à l’honneur qu’il me fait !… D’ailleurs, nous avons à débattre des intérêts sérieux… Nous nous occupons de régulariser la restitution de Sairmeuse… J’ai à lui donner des détails infinis pour l’exploitation des propriétés…

— Et c’est à moi, interrompit le baron, à moi, votre ami, que vous espérez faire entendre que vous, un homme d’une intelligence supérieure, vous êtes dupe des prétextes dont se pare M. le marquis de Sairmeuse pour hanter votre maison !… Regardez-moi dans les yeux… oui, comme cela !… Et maintenant osez me soutenir que véritablement, dans votre conscience, vous croyez que les visites de ce jeune homme s’adressent à vous !…

L’œil de Lacheneur ne vacilla pas.

— À qui donc s’adresseraient-elles ? dit-il.

Cette opiniâtre sérénité trompait toutes les prévisions du baron. Il n’avait plus qu’à frapper un grand coup.

— Prenez garde, Lacheneur !… prononça-t-il sévèrement. Songez à la situation que vous faites à votre fille, entre Chanlouineau qui la voudrait pour femme, et M. de Sairmeuse qui la veut…