Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/141

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— Ah ! laisse-moi !… répondit durement Mlle Blanche ; tais-toi !

Elle entendait au haut de la lande comme un bruit de roues, des piétinements de chevaux, des coups de fouet et des jurons.

Les charrettes annoncées par Martial, et qui portaient le mobilier et les effets de M. Lacheneur, arrivaient.

Ce bruit, Martial l’entendit de la maison, car il sortit, et après lui parurent M. Lacheneur, son fils, Chanlouineau et Marie-Anne.

Tout ce monde aussitôt s’employa à débarrasser les charrettes, et positivement, aux mouvements du jeune marquis de Sairmeuse, on eût juré qu’il commandait la besogne ; il allait, venait, s’empressait, parlait à tout le monde, et même par moments ne dédaignait pas de donner un coup de main.

— Il est dans cette maison comme chez lui, se disait Mlle Blanche… quelle horreur ! un gentilhomme… Ah ! cette dangereuse créature lui ferait faire tout ce qu’elle voudrait…

Ce n’était rien… une troisième charrette apparaissait, traînée par un seul cheval, et chargée de pots de fleurs et d’arbustes.

Cette vue arracha à Mlle de Courtomieu un cri de rage qui devait porter l’épouvante dans le cœur de tante Médie.

— Des fleurs !… dit-elle d’une voix sourde, comme à moi !… Seulement, il m’envoie un bouquet, et pour elle, il dépouille les massifs de Sairmeuse.

— Que parles-tu donc de fleurs ? interrogea la parente pauvre.

Mlle Blanche eût voulu répondre qu’elle ne l’eût pu. Elle étouffait… Et cependant elle se contraignit à rester là trois longues heures, tout le temps qu’il fallut pour tout rentrer…

Les charrettes étaient parties depuis un bon moment déjà, quand enfin Martial reparut sur le seuil de la maison.