Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/142

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Marie-Anne l’avait accompagné et ils causaient… Il semblait ne pouvoir se décider à partir…

Il se décida cependant, et s’éloigna doucement, comme à regret… Marie-Anne, restée sur la porte, lui adressait un geste amical.

— Je veux parler à cette créature ! s’écria Mlle Blanche… Viens, tante Médie… il le faut…

Il n’y a pas à en douter : si Marie-Anne se fût trouvée en ce moment à portée de la voix, Mlle de Courtomieu laissait échapper le secret des souffrances qu’elle venait d’endurer.

Mais de l’endroit du bois où s’était établie Mlle Blanche, jusqu’à la pauvre maison de Lacheneur, il y avait bien cent mètres d’un terrain très en pente, sablonneux, malaisé, et tout entrecoupé de bruyères et d’ajoncs.

Il fallait à Mlle Blanche une minute pour traverser cet espace, et c’était assez de cette minute pour changer toutes ses idées.

Elle n’avait pas franchi le quart du chemin, que déjà elle regrettait amèrement de s’être montrée. Mais il n’y avait plus à reculer, Marie-Anne, debout sur le seuil de sa porte, devait l’avoir vue.

Il ne lui restait qu’à profiter du reste de la route, pour se remettre, pour composer son visage… elle en profita.

Elle avait aux lèvres son meilleur, son plus doux sourire, quand elle aborda Marie-Anne. Pourtant elle était embarrassée, elle ne savait trop de quel prétexte colorer sa visite, et pour gagner du temps elle feignait d’être très-essoufflée, presque autant que tante Médie.

— Ah !… on n’arrive pas aisément chez vous, chère Marie-Anne, dit-elle enfin, vous demeurez sur une montagne…

Mlle Lacheneur ne disait mot. Elle était extrêmement surprise et ne savait pas le cacher.

— Tante Médie prétendait connaître le chemin, continua Mlle Blanche, mais elle m’a égarée… n’est-ce pas, tante ?