Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/143

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Comme toujours, la parente pauvre approuva, et sa nièce poursuivit :

— Mais, enfin, nous voici… Je n’ai pu, ma chérie, me résigner à rester sans nouvelles de vous, surtout après votre malheur. Que devenez-vous ? Ma recommandation vous a-t-elle procuré le travail que vous espériez ?

Sans défiances aucunes, Marie-Anne devait être prise au ton d’intérêt touchant de son ancienne amie. C’est donc avec la plus entière franchise, sans faste de douleur comme sans fausse honte, qu’elle avoua l’inanité de presque toutes ses démarches. Même, il lui avait semblé que plusieurs personnes avaient pris plaisir à la mal recevoir…

Mais Mlle Blanche n’écoutait pas. À deux pas d’elle étaient les caisses d’arbustes apportées de Sairmeuse, et leurs parfums rallumaient sa colère.

— Du moins, interrompit-elle, vous avez ici de quoi vous faire presque oublier les jardins de Sairmeuse… Qui donc vous a envoyé ces belles fleurs ?

Marie-Anne devint pourpre, resta un moment interdite, et enfin répondit ou plutôt balbutia :

— C’est… une attention de M. le marquis de Sairmeuse.

— Ainsi, elle avoue !… pensa Mlle de Courtomieu, stupéfaite de ce qu’elle jugeait une insigne impudence.

Mais elle réussit à cacher sa rage sous un grand éclat de rire, et c’est sur le ton de la plaisanterie qu’elle dit :

— Prenez garde, chère amie, je vais vous en vouloir ; c’est de mon fiancé que vous avez accepté ces fleurs…

— Comment, le marquis de Sairmeuse…

— … a demandé la main de votre amie, oui, ma belle mignonne, et mon père la lui a accordée. C’est encore un grand secret, mais je ne vois nul danger à le confier à votre amitié.

Elle croyait ainsi percer le cœur de Marie-Anne, mais elle eut beau l’observer, elle ne surprit pas sur son visage le plus léger tressaillement.