Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/161

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Le jour tombait, mais on distinguait encore les objets…

Devant la maison de Lacheneur se tenait un groupe d’une douzaine de personnes, et M. Lacheneur parlait…

Que disait-il ?… Ni le baron, ni le prêtre ne pouvaient l’entendre, mais il y eut un moment où les plus vives acclamations accueillirent ses paroles…

Aussitôt une allumette brilla entre ses doigts… il alluma une torche de paille et la lança sur le toit de chaume de sa maison en criant d’une voix formidable :

— Le sort en est jeté !… Voilà qui vous prouve que je ne reculerai pas…

Cinq minutes après la maison était en flammes…

Dans le lointain on vit une des fenêtres de la citadelle de Montaignac s’éclairer comme un phare… et de tous côtés l’horizon s’empourpra de lueurs d’incendie.

On répondait au signal de Lacheneur…

XX


Ah ! l’ambition est une belle chose !…

Déjà presque vieillards, éprouvés par tous les orages du siècle, riches à millions, possesseurs des plus somptueuses habitations de la province, le duc de Sairmeuse et le marquis de Courtomieu n’eussent plus dû, ce semble, aspirer qu’au repos du foyer domestique.

Il leur eût été si facile de se créer une vie heureuse, tout en répandant le bien autour d’eux, tout en préparant pour leur dernière heure un concert de bénédictions et de regrets.

Mais non !… Ils avaient voulu être pour quelque chose dans la manœuvre de ce « vaisseau de l’État, » où personne ne consent plus à rester simple passager.