Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/175

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ques-uns, en tournant la tête, avaient vu briller les lanternes de la voiture de Mlle de Courtomieu…

Elle arrivait au grand trot, elle rejoignit la colonne, on reconnut la livrée, une immense clameur la salua.

M. de Courtomieu, par son âpreté au gain, s’était fait plus d’ennemis que le duc de Sairmeuse. Tous ces paysans qui, plus ou moins, croyaient avoir à se plaindre de sa cupidité, étaient ravis de cette occasion qui se présentait de lui faire une peur épouvantable.

Car, en vérité, ils ne songeaient qu’à cette vengeance : le procès devait le prouver.

Grande fut donc la déception quand, la portière ouverte, on n’aperçut à l’intérieur que Mlle Blanche et tante Médie qui poussait des cris perçants.

Mlle de Courtomieu était brave.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle hardiment, et que voulez-vous ?…

— Demain vous le saurez, répondit Chanlouineau qui s’était avancé. Pour ce soir, vous êtes notre prisonnière.

— Vous ignorez qui je suis, mon garçon, je le vois bien…

— Pardonnez-moi, et c’est pour cela que je vous prie de descendre… Il faut qu’elle descende, n’est-ce pas, M. d’Escorval ?

— Eh bien !… Moi je déclare que je ne descendrai pas, dit Mlle Blanche ; arrachez-moi d’ici, si vous l’osez !…

On eût osé, certainement, sans Marie-Anne qui arrêta plusieurs paysans prêts à s’élancer.

— Laissez passer librement Mlle de Courtomieu, dit-elle.

Mais cela pouvait avoir de telles conséquences, que Chanlouineau eut le courage de résister.

— Cela ne se peut, Marie-Anne, dit-il ; elle irait prévenir son père… Il faut la garder en ôtage, sa vie peut répondre de la vie de nos amis.

Mlle Blanche n’avait pas plus reconnu le déguisement