Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/176

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masculin de son ancienne amie qu’elle n’avait soupçonné le but de ce grand rassemblement d’hommes.

Le nom de Marie-Anne prononcé après celui de d’Escorval l’éclaira.

Elle comprit tout, et frémit de rage à cette pensée qu’elle était à la merci de sa rivale. Du moins ne voulut-elle pas subir de protection.

— C’est bien, fit-elle… nous descendons.

Son ancienne amie l’arrêta.

— Non, dit-elle, non !… Ce n’est pas ici la place d’une jeune fille.

— D’une jeune fille honnête, devriez-vous dire.

Chanlouineau était à deux pas, armé : si un homme eût tenu ce propos, il était mort. Marie-Anne ne daigna pas entendre.

— Mademoiselle va rebrousser chemin, ordonna-t-elle, et comme elle pourrait gagner Montaignac par la traverse, deux hommes vont l’accompagner jusqu’à Courtomieu…

Elle commandait, on obéit. La voiture, retournée, s’éloigna, mais non si vite que Marie-Anne ne pût entendre Mlle Blanche qui lui criait :

— Garde-toi bien, Marie-Anne !… Je te ferai payer cher l’insulte de ta générosité !…

Les heures volaient, cependant…

Cet incident venait de prendre dix minutes encore, dix siècles, et pour comble les dernières apparences d’ordre avaient disparu.

M. Lacheneur pleurait de rage ; mais il comprit la nécessité d’un parti suprême ; tout retard désormais devenait mortel.

Il appela Maurice et Chanlouineau.

— Je vous remets le commandement, leur dit-il, faites tout au monde pour hâter la marche de ces insensés… Moi, je cours à la Croix-d’Arcy… il y va de notre vie à tous.

Il partit, en effet, mais arrivé à moins de cinq cents mètres en avant de sa troupe, il distingua au loin, sur