Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/177

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la route blanche, deux points noirs qui s’avançaient et grossissaient rapidement…

C’étaient deux hommes qui, les coudes au corps, le buste en avant, ménageant leur haleine, couraient…

L’un était vêtu comme les bourgeois aisés, l’autre portait un vieil uniforme de capitaine des guides de l’empereur.

Un nuage passa devant les yeux de Lacheneur, quand il reconnut deux de ces officiers à demi-solde qui devaient lui ouvrir une des portes de Montaignac, complices dévoués qui haïssaient la Restauration autant que lui-même, dont la voix devait troubler les soldats du duc de Sairmeuse, et qui avaient assez de courage pour en donner à tous les poltrons qu’on pourrait leur amener.

— Qu’arrive-t-il ? leur cria-t-il d’une voix affreusement altérée.

— Tout est découvert !…

— Grand Dieu !…

— Le major Carini est arrêté.

— Par qui ?… Comment ?

— Ah ! c’est une fatalité !… Au moment où nous convenions de nos dernières mesures pour surprendre chez lui le duc de Sairmeuse, le duc lui-même est survenu. Nous nous sommes enfuis, mais ce noble de malheur a poursuivi Carini, l’a atteint, l’a pris au collet, et l’a traîné à la citadelle.

Lacheneur était anéanti. La sinistre prophétie de l’abbé Midon bourdonnait à ses oreilles…

— Aussitôt, continua l’officier, j’ai averti les amis et j’accours vous prévenir… C’est un coup manqué !…

Il n’avait que trop raison, et Lacheneur le savait mieux que personne. Mais aveuglé par la haine et par la colère, il ne voulait pas avouer, il ne voulait pas s’avouer l’irréparable désastre.

Par un prodige de volonté, il parvint à affecter un calme bien éloigné de son âme.

— Vous êtes prompts à jeter le manche après la co-