Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/188

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Mais bientôt le cheval de Lacheneur, le poitrail ouvert par les baïonnettes, se cabra ; il battit l’air de ses sabots, puis ses jarrets plièrent, et il se renversa, entraînant son cavalier…

Et les soldats passèrent, ne pouvant se douter que sous le cadavre du cheval le maître se débattait sans blessures.

Il était une heure et demie du matin… le carrefour était désert.

Rien ne troublait le silence que les gémissements de quelques blessés appelant leurs compagnons et implorant des secours…

Les secours ne devaient pas venir encore.

Avant de penser aux blessés, M. de Sairmeuse songeait à tirer parti des événements pour sa fortune politique.

Maintenant que le soulèvement était comprimé, il importait de l’exagérer, les récompenses devant être proportionnées à l’importance du service rendu.

On avait ramassé, il le savait, un certain nombre de conjurés, quinze ou vingt ; mais ce n’était pas assez pour l’éclat qu’il désirait, il voulait plus d’accusés que cela à jeter à la Cour prévôtale ou à une commission militaire.

Il divisa donc ses troupes en plusieurs détachements qu’il lança de tous côtés, avec l’ordre d’explorer les villages, de fouiller les maisons isolées, et d’arrêter tous les gens suspects…

Sa tâche, après cela, était terminée sur ce terrain, il recommanda une fois encore la plus implacable sévérité, et reprit au grand trot la route de Montaignac.

Il était ravi, assurément il bénissait, comme M. de Courtomieu, ces honnêtes et naïfs conspirateurs ; mais une crainte, qu’il s’efforçait vainement d’écarter, empoisonnait en satisfaction.

Son fils, le marquis de Sairmeuse, faisait-il, oui ou non, partie du complot ?

Il ne pouvait, il ne voulait pas le croire, et cependant le souvenir de l’assurance de Chupin le troublait.