Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/189

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D’un autre côté, qu’était donc devenu Martial ?… Le domestique expédié pour le prévenir l’avait-il rencontré ?… S’était-il mis en route ?… Par où ?… Peut-être était-il tombé aux mains des paysans ?…

C’est dire le tressaillement de joie de M. de Sairmeuse, quand rentrant chez lui après une entrevue avec M. de Courtomieu, on lui apprit que Martial était arrivé depuis un quart d’heure.

— M. le marquis est monté précipitamment à sa chambre en descendant de cheval, ajouta le domestique.

— C’est bien !… fit le duc, je l’y rejoins.

Tout haut, devant ses gens, il disait : « C’est bien ! » mais il se disait tout bas :

— Ceci, à la fin, frise l’impertinence ! Quoi, je suis à cheval, en train de faire le coup de fusil, et monsieur mon fils se met au lit tranquillement, sans seulement s’informer de moi !…

Il était arrivé à la chambre de son fils, mais la porte était fermé en dedans. Il frappa.

— Qui est-là ? demanda Martial.

— Moi ! ouvrez !

Martial retira le verrou. M. de Sairmeuse entra, et ce qu’il vit le fit frémir.

Sur la table était une cuvette de sang, et Martial, le torse nu, lavait une large blessure qu’il avait un peu au-dessus du sein droit.

— Vous vous êtes battu !… exclama le duc d’une voix étranglée.

— Oui !…

— Ah !… vous en étiez donc !…

— J’en étais !… de quoi ?

— De la conjuration de ces misérables paysans qui dans leur folie parricide ont osé rêver le renversement du meilleur des princes !…

Le visage de Martial trahit successivement une profonde surprise et la plus violente envie de rire.

— Je pense que vous plaisantez, monsieur, dit-il.

L’air et l’accent du jeune homme rassurèrent un peu