Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/196

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— Ce n’est qu’une syncope sans gravité, déclara l’abbé Midon, après avoir examiné Marie-Anne, elle ne tardera pas à reprendre ses sens…

Et aussitôt, rapidement et clairement, il indiqua ce qu’il y avait à faire, aux femmes de la baronne, aussi éperdues que leur maîtresse.

Mme d’Escorval regardait la pupille dilatée par la terreur, elle paraissait douter de sa raison, et incessamment elle passait la main sur son front mouillé d’une sueur froide…

— Quelle nuit ! murmurait-elle, quelle nuit !…

— Il faut vous remettre, madame, prononça le prêtre d’un accent ému mais ferme ; la religion, le devoir vous défendent de vous abandonner ainsi !… Épouse, où donc est votre énergie !… Chrétienne, qu’est devenue votre confiance en Dieu, juste et bon !…

— Oh !… j’ai du courage, monsieur, bégayait l’infortunée, j’ai du courage !…

L’abbé Midon la conduisit à un fauteuil où il la força de s’asseoir, pendant que les femmes de chambre s’empressaient autour de Marie-Anne, et d’un ton plus doux il reprit :

— Pourquoi désespérer, d’ailleurs, madame ?… Votre fils est près de vous, en sûreté… Votre mari ne saurait être compromis, il n’a rien fait que je n’aie fait moi-même…

Et en peu de mots, avec une rare précision, il expliqua le rôle du baron et le sien pendant cette funeste soirée.

Mais ce récit, loin de rassurer la baronne, semblait augmenter son épouvante.

— Je vous entends, monsieur le curé, interrompit-elle, et je vous crois… Mais je sais aussi que tous les gens de la campagne sont persuadés que mon mari commande les paysans soulevés, ils le croient et ils le disent…

— Eh bien ?

— S’il a été fait prisonnier, comme vous me le donnez