Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à entendre, il sera traduit devant la Cour prévôtale… N’était il pas l’ami de l’empereur. C’est un crime cela, vous le savez bien ! Il sera jugé et condamné à mort…

— Non, madame, non !… ne suis-je pas là ? Je me présenterai devant le tribunal, et je dirai : « Me voici, j’ai vu, adsum qui vidi. »

— Et ils vous arrêteront vous aussi, monsieur l’abbé, parce que vous n’êtes pas un prêtre selon le cœur de ces hommes cruels ; ils vous jetteront en prison, et ils vous enverront à l’échafaud !…

Depuis un moment, Maurice écoutait, pâle, anéanti, près de tomber…

Sur ces derniers mots, il s’affaissa par terre, sur le tapis, à genoux, cachant son visage entre ses mains…

— Ah !… j’ai tué mon père !… s’écria-t-il…

— Malheureux enfant !… Que dis-tu !…

Le prêtre lui faisait signe de se taire, il ne le vit pas et poursuivit :

— Mon père ignorait jusqu’à l’existence de cette conspiration, dont M. Lacheneur était l’âme, mais je la connaissais, moi !… Je voulais qu’elle réussît, parce que de son succès dépendait le bonheur de ma vie… Et alors, misérable que je suis, quand il s’agissait d’attirer dans nos rangs quelque complice timide et indécis, j’invoquais ce nom respecté et aimé d’Escorval… Ah ! j’étais fou !… j’étais fou !…

Il eut un geste désespéré, et, avec une expression déchirante, il ajouta :

— Et en ce moment encore, je n’ai pas le courage de maudire ma folie !… Oh ! ma mère, ma mère ; si tu savais !…

Les sanglots lui coupèrent la parole, et alors on put entendre comme un faible gémissement…

Marie-Anne revenait à elle. Déjà elle s’était à demi redressée sur le canapé, et elle considérait cette scène navrante d’un air de profonde stupeur, comme si elle n’y eût rien compris.

D’un geste doux et lent, elle écartait ses cheveux de