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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/198

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son front, et elle clignait des yeux, éblouie par l’éclat des bougies…

Elle voulait parler, interroger, elle s’efforçait de rassembler ses idées, elle cherchait des mots pour les traduire… L’abbé Midon lui commanda le silence.

Seul, au milieu de tous ces malheureux affolés, le prêtre conservait son sang-froid et la lucidité de son intelligence.

Éclairé par le témoignage de Mme d’Escorval et les aveux de Maurice, il comprenait tout et discernait nettement l’effroyable danger dont étaient menacés le baron et son fils.

Comment conjurer ce danger ?… Qu’imaginer, que faire ?…

Il n’y avait ni à s’expliquer ni à réfléchir ; avec chaque minute s’envolait une chance de salut… Il s’agissait de prendre un parti sur-le-champ et d’agir.

L’abbé Midon eut ce courage. Il courut à la porte du salon et appela les gens groupés dans l’escalier.

Quand ils furent tous réunis autour de lui :

— Écoutez-moi bien, leur dit-il de cette voix impérieuse et brève que donne la certitude du péril prochain, et souvenez-vous que de votre discrétion dépend peut-être la vie de vos maîtres. On peut compter sur vous, n’est-ce pas ?

Toutes les mains se levèrent comme pour prêter serment.

— Avant une heure, continua le prêtre, les soldats lancés sur les traces des fuyards seront ici. Pas un mot de ce qui s’est passé ce soir ne doit être prononcé. Pour tout le monde, je dois être parti avec M. le baron et revenu seul. Nul de vous ne doit avoir vu Mlle Lacheneur… Nous allons lui chercher une cachette… Rappelez-vous, mes amis, que le seul soupçon de sa présence ici perdrait tout… Si les soldats vous interrogent, efforcez-vous de leur persuader que M. Maurice n’est pas sorti ce soir…