Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/199

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Il s’arrêta, chercha s’il n’oubliait rien de ce que pouvait suggérer la prudence humaine, et ajouta :

— Un mot encore : Nous voir tous debout à l’heure qu’il est, paraîtra suspect… C’est ce que je souhaite… Nous alléguerons, pour nous justifier, l’inquiétude où nous mettent l’absence de M. le baron et aussi une indisposition très-grave de Mme la baronne… car Mme la baronne va se coucher ; elle évitera ainsi un interrogatoire possible… Et vous, Maurice, courez changer de vêtements… et surtout, lavez-vous bien les mains, et répandez ensuite quelque parfum dessus…

Chacun sentait si bien l’imminence d’une catastrophe, qu’en moins de rien tout fut disposé comme l’avait ordonné l’abbé Midon.

Marie-Anne, bien qu’elle fût loin d’être remise, fut conduite à une petite logette sous les combles ; Mme d’Escorval se retira dans sa chambre et les domestiques regagnèrent l’office…

Maurice et l’abbé Midon restèrent seuls au salon, silencieux, oppressés…

La figure si calme du curé de Sairmeuse trahissait d’affreuses anxiétés. Maintenant, oui, il croyait M. d’Escorval prisonnier, et toutes ses précautions n’avaient qu’un but, écarter de Maurice tout soupçon de complicité… c’était, pensait-il, le seul moyen qu’il y eût de sauver le baron. Ses combinaisons réussiraient-elles ?…

Un violent coup de cloche à la grille l’interrompit…

On entendit les pas du jardinier qui allait ouvrir, le grincement de la grille, puis le piétinement d’une compagnie de soldats dans la cour.

Une voix forte commanda :

— Halte !… Reposez vos armes…

Le prêtre regarda Maurice, et il vit qu’il pâlissait comme s’il allait mourir.

— Du calme !… lui dit-il, ne vous troublez pas… Gardez votre sang-froid… Et n’oubliez pas mes instructions !…