Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/200

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— Ils peuvent venir, répondit Maurice, j’ai du courage !…

La porte du salon s’ouvrit, si brutalement poussée, que les deux battants cédèrent à la fois comme sous un coup d’épaule.

Un jeune homme entra, qui portait l’uniforme de capitaine des grenadiers de la légion de Montaignac.

Il paraissait vingt-cinq ans à peine ; il était grand, mince, blond, avec des yeux bleus et de petites moustaches effilées. Toute sa personne trahissait des recherches d’élégance exagérées jusqu’au ridicule.

Sa physionomie, d’ordinaire, ne devait respirer que la satisfaction de soi, mais elle avait en ce moment une expression farouche.

Derrière lui, dans l’ombre du palier, on voyait étinceler les armes de plusieurs soldats.

Il promena autour du salon un regard défiant, puis d’une voix rude :

— Le maître de la maison ? demanda-t-il.

— M. le baron d’Escorval, mon père, est absent, répondit Maurice.

— Où est-il ?

L’abbé Midon, resté assis jusqu’alors se leva.

— Au bruit du désastreux soulèvement de ce soir, répondit-il, M. le baron et moi nous sommes rendus près des paysans pour les adjurer de renoncer à une tentative insensée… Ils n’ont pas voulu nous entendre. La déroute venue, j’ai été séparé de M. d’Escorval, je suis revenu seul ici, très-inquiet, et je l’attends…

Le capitaine tortillait sa moustache de l’air le plus goguenard.

— Pas mal imaginé !… fit-il. Seulement, je ne crois pas un mot de cette bourde.

Une flamme aussitôt éteinte brilla dans l’œil du prêtre, ses lèvres tremblèrent… mais il se tut.

— Mais, au fait, reprit l’officier, qui êtes-vous ?

— Je suis le curé de Sairmeuse.

— Eh bien !… les curés honnêtes doivent être couchés