Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’heure qu’il est… Ah ! vous allez courir la prétentaine, la nuit, avec les paysans révoltés… Je ne sais, en vérité, ce qui me retient de vous arrêter…

Ce qui le retenait, c’était la robe du prêtre, toute-puissante sous la Restauration. Avec Maurice, il était plus à son aise.

— Combien y a-t-il de maîtres ici ? demanda-t-il.

— Trois. Mon père, ma mère, malade en ce moment, et moi.

— Et de domestiques ?

— Sept, quatre hommes et trois femmes.

— Vous n’avez reçu ni caché personne, ce soir ?

— Personne.

— C’est ce qu’on va vérifier, dit le capitaine.

Et se tournant vers la porte :

— Caporal Bavois !… appela-t-il.

C’était un de ces vieux qui pendant quinze ans avaient suivi l’Empereur à travers l’Europe. Celui-ci était plus sec que la pierre de son fusil. Deux petits yeux gris terribles éclairaient sa face tannée, coupée en deux par un grand diable de nez très-mince, qui se recourbait en crochet sur ses grosses moustaches en broussaille.

— Bavois, commanda l’officier, vous allez prendre une demi-douzaine d’hommes et me fouiller cette maison du haut en bas… Vous êtes un vieux lapin qui connaissez le tour ; s’il y a une cachette, vous la découvrirez, si quelqu’un y est caché, vous me l’amènerez… Demi-tour et ne traînons pas !

Le caporal, sorti, le capitaine reprit ses questions.

— À nous deux, maintenant, dit-il à Maurice ; qu’avez-vous fait ce soir ?

Le jeune homme eut une seconde d’hésitation ; mais c’est avec une insouciance bien jouée qu’il répondit :

— Je n’ai pas mis le nez dehors.

— Hum ! c’est ce qu’il faudrait prouver. Voyons les mains ?…

Le ton de ce joli soldat, qui affectait des airs de soudard, était si offensant, que Maurice sentait monter à