Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/202

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son front des bouffées de colère. Heureusement, un coup d’œil de l’abbé Midon lui commanda le calme.

Il tendit les mains et le capitaine les examina minutieusement, les tourna et les retourna, et finalement les flaira.

— Allons !… fit-il, ces mains sont trop blanches et sentent trop bon la pommade pour avoir tiré des coups de fusil.

Il était clair qu’il s’étonnait que le fils eût eu le courage de rester au coin du feu pendant que le père conduisait les paysans à la bataille.

— Autre chose, fit-il, vous devez avoir des armes, ici ?

— Oui, des armes de chasse.

— Où sont-elles ?

— Dans une petite pièce du rez-de-chaussée.

— Il faut m’y conduire.

On l’y mena, et en reconnaissant que pas un des fusils doubles n’avait fait feu depuis plusieurs jours, il sembla fort contrarié.

Il parut furieux, quand le caporal vint lui dire qu’ayant fureté partout, il n’avait rien rencontré de suspect.

— Qu’on fasse venir les gens, ordonna-t-il.

Mais tous les domestiques ne firent que répéter fidèlement la leçon de l’abbé.

Le capitaine comprit que s’il y avait quelque chose, comme il le soupçonnait, il ne le saurait pas.

Il se leva donc, en jurant que si on le trompait, on le payerait cher, et de nouveau il appela Bavois.

— Il faut que je continue ma tournée, lui dit-il, mais vous, caporal, vous allez rester ici avec deux hommes… Vous aurez à rendre compte de tout ce que vous verrez et entendrez… Si M. d’Escorval revient, empoignez-le-moi et ne le lâchez pas… et ouvrez l’œil, et le bon !…

Il ajouta encore diverses instructions à voix basse, puis il se retira, sans saluer, comme il était entré.

Le bruit des pas de la troupe ne tarda pas à se perdre dans la nuit, et alors le caporal laissa échapper un effroyable juron.