Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/203

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— Hein ! dit-il à ses hommes, vous l’avez entendu, ce cadet-là !… Ecoutez, surveillez, arrêtez, venez au rapport sans armes… Nom d’un tonnerre ! il nous prend donc pour des mouchards !… Ah ! si « l’autre » voyait ce qu’on fait de ses anciens !…

Les deux soldats répondirent par un grognement sourd.

— Quant à vous, poursuivit le vieux troupier en s’adressant à Maurice et à l’abbé Midon, moi, Bavois, caporal de grenadiers, je vous déclare, tant en mon nom qu’au nom de mes deux hommes, que vous êtes libres comme l’oiseau et que nous n’arrêterons personne… Même, s’il fallait un coup de main pour tirer du pétrin le père du jeune bourgeois, nous sommes des bons. Il croit, le joli coco qui nous commande, que nous nous sommes battus ce soir… Va-t-en voir s’ils viennent !… Regardez la platine de mon fusil… je n’ai pas brûlé une amorce. Quant aux camarades, ils retiraient le pruneau de la cartouche avant de la couler dans le canon.

Cet homme, assurément, devait être sincère, mais il pouvait ne l’être pas.

— Nous n’avons rien à cacher, répondit le circonspect abbé Midon.

Le vieux caporal cligna de l’œil d’un air d’intelligence.

— Connu !… fit-il, vous vous défiez de moi. Vous avez tort, et je vais vous le prouver, parce que, voyez-vous, s’il est aisé de faire le poil à ce blanc-bec qui sort d’ici, il est un peu plus difficile de raser le caporal Bavois. Ah !… c’est comme cela. Il ne fallait pas laisser traîner dans la cour un fusil qui n’a certes pas été chargé pour tirer des merles.

Le curé et Maurice échangèrent un regard de stupeur. Maurice, maintenant, se rappelait qu’en sautant du cabriolet pour soutenir Marie-Anne, il avait posé son fusil contre le mur. Il avait échappé aux regards des domestiques…