Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/204

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— Secondement, poursuivit Bavois, il y a quelqu’un de caché là-haut… j’ai l’oreille fine ! Troisièmement je me suis arrangé pour que personne n’entrât dans la chambre de la dame malade.

Maurice n’y tint plus : il tendit la main au caporal, et d’une voix émue :

— Vous êtes un brave homme !… dit-il.

Quelques instants plus tard, Maurice, l’abbé Midon et Mme d’Escorval, réunis de nouveau au salon, délibéraient sur les mesures de salut qu’il y avait à prendre, quand Marie-Anne qu’on était allé prévenir parut.

Tant bien que mal elle avait réparé le désordre de son costume. Elle était affreusement pâle encore, mais sa démarche était ferme.

— Je vais me retirer, madame, dit-elle à la baronne. Maîtresse de moi-même, je n’eusse pas accepté une hospitalité qui pouvait attirer tant de malheurs sur votre maison… Hélas !… il ne vous en coûte déjà que trop de larmes et trop de deuils, de m’avoir connue… Comprenez-vous, maintenant, pourquoi je voulais vous fuir ?… Un pressentiment me disait que ma famille serait fatale à la vôtre…

— Malheureuse enfant !… s’écria Mme d’Escorval, où voulez-vous aller !…

Marie-Anne leva ses beaux yeux vers le ciel, où elle plaçait toutes ses espérances.

— Je l’ignore, madame, répondit-elle ; mais le devoir commande… Je dois savoir ce que sont devenus mon père et mon frère et partager leur sort…

— Quoi !… s’écria Maurice, toujours cette pensée de mort !… Vous savez bien, cependant, que vous n’avez plus le droit de disposer de votre vie !…

Il s’arrêta, il avait failli laisser échapper un secret qui n’était pas le sien… Mais une inspiration lui venant, il se jeta aux pieds de Mme d’Escorval :

— O ma mère, lui dit-il, mère chérie, la laisserons-nous s’éloigner ?… Je puis périr en essayant de sauver