Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/211

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voudrait pas souiller ses mains du prix du sang, peut être saisi du vertige de la peur.

Ils suivaient alors la grande rue, et ils étaient frappés de l’aspect morne de Montaignac, cette petite ville si vivante et si gaie d’ordinaire.

La consternation et l’épouvante y régnaient. Les boutiques étaient fermées, les volets des maisons restaient clos. Partout un silence lugubre. On eût dit un deuil général et que chaque famille avait perdu quelqu’un de ses membres.

La démarche des rares passants était inquiète et singulière. Ils se hâtaient, en jetant de tous côtés des regards défiants.

Deux ou trois qui étaient des connaissances du baron et qui croisèrent la voiture se détournèrent d’un air effrayé pour éviter de saluer…

L’abbé Midon et Maurice devaient trouver l’explication de ces terreurs à l’hôtel où ils avaient donné l’ordre à leur cocher de les conduire.

Ils lui avaient désigné l'Hôtel de France, où descendait le baron d’Escorval quand il venait à Montaignac, et dont le propriétaire n’était autre que Langeron, cet ami de Lacheneur, qui, le premier, avait donné avis de l’arrivée du duc de Sairmeuse.

Ce brave homme, en apprenant quels hôtes lui arrivaient, alla au-devant d’eux jusqu’au milieu de la cour, sa toque blanche à la main.

Ce jour-là, cette politesse était de l’héroïsme.

Était-il du complot ? on l’a toujours cru.

Le fait est qu’il invita Maurice et l’abbé à se rafraîchir, de façon à leur donner à entendre qu’il avait à leur parler, et il les conduisit à une chambre où il savait être à l’abri de toute indiscrétion.

Grâce à un des valets de chambre du duc de Sairmeuse qui fréquentait son établissement, il en savait autant que l’autorité, il en savait plus, même, puisqu’il avait en même temps des informations par ceux des conjurés qui étaient restés en liberté.