Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/222

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adressait à son fils un simple signe de tête, Chanlouineau faisait un geste qui clairement signifiait :

— Ayez confiance en moi… ne craignez rien.

L’attitude des autres conjurés annonçait plutôt la surprise que la crainte. Peut-être n’avaient-ils conscience ni de ce qu’ils avaient osé, ni du danger qui les menaçait…

Les accusés placés, ce qui demanda un peu de temps, le capitaine rapporteur se leva.

Son réquisitoire, d’une violence inouïe, ne dura pas cinq minutes. Il exposa brièvement les faits, exalta les mérites du gouvernement de la Restauration et conclut à la peine de mort contre les trente accusés.

Lorsqu’il eut cessé de parler, le duc de Sairmeuse interpella le premier conjuré du premier banc :

— Levez-vous…

Il se leva.

— Votre nom ? vos prénoms ? votre âge ?…

— Chanlouineau (Eugène-Michel), âgé de vingt-neuf ans, cultivateur-propriétaire.

— Propriétaire de biens nationaux…

— Propriétaire de biens qui, ayant été payés en bon argent, gagné à force de travail, sont à moi légitimement.

Le duc de Sairmeuse ne voulut pas relever le défi, car c’en était un, par le fait.

— Vous avez fait partie de la rébellion ? poursuivit-il.

— Oui.

— Vous avez raison d’avouer, car on va introduire des témoins qui vous reconnaîtront.

Cinq grenadiers entrèrent ; qui étaient de ceux que Chanlouineau avait tenus en respect pendant que Maurice, l’abbé Midon et Marie-Anne montaient en voiture.

Ces militaires affirmèrent qu’ils remettaient très-bien l’accusé, et même, l’un d’eux entama de lui un éloge intempestif, déclarant que c’était un solide gaillard, d’une bravoure admirable.