Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/241

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anéanti par cette invincible torpeur qui suit les douleurs trop lourdes pour les forces humaines.

— Rien n’est décidé encore, répondirent les officiers aux questions de Mme d’Escorval, M. le curé de Sairmeuse doit accourir dès que le verdict sera rendu…

Puis, comme ils avaient juré de ne pas perdre Maurice de vue, ils s’assirent, sombres et silencieux.

Au dehors, tout se taisait ; on eût cru l’hôtel désert. Les gens de la maison s’entendaient pour ne pas troubler cette grande et noble infortune ; ils la respectaient comme on respecte le sommeil du condamné à mort la nuit qui précède l’exécution.

Enfin, un peu avant quatre heures, l’abbé Midon arriva, suivi de l’avocat, auquel le baron avait confié ses volontés dernières…

— Mon mari !… s’écria Mme d’Escorval en se dressant tout d’un bloc.

Le prêtre baissa la tête… elle comprit.

— Mort !… balbutia-t-elle. Ils l’ont condamné !…

Et plus assommée que par un coup de maillet sur la tête, elle s’affaissa sur son fauteuil, inerte, les bras pendants…

Mais cet anéantissement dura peu ; elle se releva :

— À nous donc de le sauver !… s’écria-t-elle, l’œil brillant de la flamme des résolutions héroïques, à nous de l’arracher à l’échafaud !… Debout, Maurice… Marie-Anne, debout !… Assez de lâches lamentations, à l’œuvre !… Vous aussi, Messieurs, vous m’aiderez !… Je peux compter sur vous, monsieur le curé !… Qu’allons-nous faire ?… Je l’ignore. Mais il doit y avoir quelque chose à faire… La mort de ce juste serait un trop grand crime, Dieu ne le permettra pas…

Elle s’arrêta, brusquement, les mains jointes, les yeux levés au ciel, comme si une inspiration divine lui fût venue…

— Et le roi !… reprit-elle, le roi souffrira-t-il qu’un tel forfait s’accomplisse !… Non ! Un roi peut refuser de faire grâce, il ne saurait refuser de faire justice !… Je