Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/242

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veux aller à lui, je lui dirai tout !… Comment cette idée de salut ne m’est-elle pus venue plus tôt !… Il faut partir à l’instant pour Paris, sans perdre une seconde… Maurice, tu m’accompagnes !… Que l’un de vous, messieurs, m’aille commander des chevaux à la poste…

Elle pensa qu’on lui obéissait, et précipitamment elle passa dans la pièce voisine pour faire ses préparatifs de voyage.

— Pauvre femme !… murmura l’avocat à l’oreille de l’abbé Midon, elle ignore que les arrêts des commissions militaires sont exécutoires dans les vingt-quatre heures.

— Eh bien ?…

— Il faut quatre jours pour aller à Paris.

Il réfléchit et ajouta :

— Après cela, la laisser partir serait peut-être un acte d’humanité… Ney, au matin de son exécution, ne parla-t-il pas du roi pour éloigner la maréchale qui sanglotait à demi évanouie au milieu de son cachot ?…

L’abbé Midon hocha la tête.

— Non, dit-il, Mme d’Escorval ne nous pardonnerait pas de l’avoir empêchée de recueillir la dernière pensée de son mari…

Elle reparut en ce moment, et le prêtre rassemblait son courage pour lui apprendre la vérité cruelle, quand on frappa à la porte à coups précipités.

Un des officiers à demi-solde ouvrit, et Bavois, le caporal des grenadiers, entra, la main droite à son bonnet de police, respectueusement ; comme s’il eût été en présence d’un supérieur.

Mlle Lacheneur ? demanda-t-il.

Marie-Anne s’avança :

— C’est moi, monsieur, répondit-elle, que me voulez-vous ?

— J’ai ordre, mademoiselle, de vous conduire à la citadelle…

— Ah !… fit Maurice d’un ton farouche, on arrête les femmes aussi !…