Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/243

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Le digne caporal se donna sur le front un énorme coup de poing.

— Je ne suis qu’une vieille bête !… prononça-t-il, et je m’explique mal. Je veux dire que je viens chercher mademoiselle de la part d’un des condamnés, le nommé Chanlouineau, qui voudrait lui parler…

— Impossible, mon brave, dit un des officiers, on ne laissera pas mademoiselle pénétrer près d’un condamné sans une permission spéciale…

— Eh !… on l’a, cette permission ! fit le vieux soldat.

Il s’assura, d’un regard, qu’il n’avait rien à redouter d’aucun de ces visiteurs, et plus bas il ajouta :

— Même, ce Chanlouineau m’a glissé dans le tuyau de l’oreille qu’il s’agit d’une affaire que sait bien M. le curé.

Le hardi paysan avait-il donc réellement trouvé quelque expédient de salut ?… L’abbé Midon commençait presque à le croire.

— Il faut suivre ce vieux brave, Marie-Anne, dit-il.

A la seule pensée qu’elle allait revoir Chanlouineau, la pauvre jeune fille frissonna. Mais l’idée ne lui vint même pas de se soustraire à une démarche qui lui semblait le comble du malheur…

— Partons, monsieur, dit-elle au vieux soldat.

Mais le caporal restait à la même place, clignant de l’œil selon son habitude quand il voulait bien fixer l’attention de ses interlocuteurs.

— Minute !… fit-il. Ce Chanlouineau, qui me parait un lapin, m’a dit de vous dire comme cela que tout va bien !… Si je vois pourquoi, je veux être pendu !… Enfin, c’est son opinion ! Il m’a bien prié aussi de vous commander de ne pas bouger, de ne rien tenter avant le retour de mademoiselle, qui sera revenue avant une heure. Il vous jure qu’il tiendra ses promesses, il vous demande votre parole de lui obéir…

— Nous ne tenterons rien avant une heure, dit l’abbé Midon, je le promets…

— Alors, c’est tout… Salut la compagnie… Et nous,