Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/245

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lui arracher le secret de la retraite de son père… Ainsi posé, le marché devait être vite conclu.

La vie fut promise au condamné en échange de la vie de Lacheneur…

Un soldat, qui se trouva être le caporal Bavois, fut expédié à Marie-Anne…

Et Chanlouineau attendit, dévoré d’anxiété.

L’énergie déployée par le robuste gars jusqu’au moment de sa soudaine et incompréhensible défaillance, l’avait fait traiter en prisonnier dangereux et lui avait valu, ni plus ni moins qu’au baron d’Escorval, l’honneur des plus minutieuses précautions et la faveur de la solitude.

On l’avait séparé de ses compagnons pour l’enfermer dans le cachot réputé le plus sûr de la citadelle, qui jusqu’alors n’avait eu pour hôtes que les soldats condamnés à mort.

Ce cachot, situé au rez-de-chaussée, au fond d’un corridor obscur, était long et étroit, et à demi conquis sur le roc.

Un abat-jour placé à l’extérieur, devant la fenêtre, mesurait si parcimonieusement la lumière, qu’à peine on y voyait assez pour déchiffrer les exclamations désespérées et les noms charbonnés sur le mur.

Une botte de paille avec une mauvaise couverture, un escabeau, une cruche et un baquet infect, ajoutaient encore à l’aspect sinistre de ce séjour, bien fait pour porter le désespoir dans les âmes les plus solidement trempées. Mais qu’importait à Chanlouineau l’horreur de son cachot !… Il était dans une de ces crises où les circonstances extérieures cessent d’exister.

Les geôliers ne gardaient que son corps… son âme libre se jouant des verroux et des grilles, s’élançait vers les sphères supérieures, loin, bien loin des misères, des passions, des bassesses et des rancunes humaines.

Ah !… M. de Courtomieu revenant tout à coup n’eût plus reconnu le lâche qui l’instant d’avant se traînait à ses pieds, tremblant et blême. Ou plutôt il eût constaté